La Cappadoce

Son histoire commence il y a des milliers et des milliers d’années… et comme toute histoire elle commence par ces mots : « il était une fois. »

Oui, il était une fois deux Volcans qui s’appelaient Erciyes Dag et Hasan Dag, comme tous les volcans ils avaient mauvais caractère. Alors dans un rayon de cent kilomètres et sur plus de 4000 km2 au cœur de l’Anatolie, ils se mirent à cracher laves, bombes, cendres et boues qui, au cours des siècles, s’agglomérèrent pour former un tuf tendre et coloré. Un beau jour, honteux de s’être mis en colère, Erciyes Dag et Hasan Dag se calmèrent et s’endormirent. Ils dorment toujours et leurs sommets couverts de neige dominent tout le pays.

Alors, profitant de leur sommeil, Dame Erosion passa à l’action. Avec l’aide de ses amis : le vent, la pluie, le gel, le soleil et les ruisseaux, elle se mit à façonner, à modeler le pays… et comme cette Dame est une grande artiste douée d’une imagination débordante, elle fit de la Cappadoce un immense musée de plein air.

Elle creusa d’abord une multitude de vallées, différentes d’aspect et de taille (car de l’uniformité serait né l’ennui) puis elle y fit serpenter ruisseaux romantiques et paisibles rivières. Elle fit même couler un grand fleuve qu’elle colora de rouge…

Partout, elle dressa aiguilles et cônes aux formes étranges, torturées, qui annonçaient déjà un Salvador Dali ou un Gustave Doré… et les peignit de couleurs très douces… vertes, roses, jaunes, ocres et blanches. Elle façonna de merveilleuses cheminées de fée et les coiffa, en guise de béret basque, d’une grosse pierre plate. Groupées, rangées comme des soldats en ordre de bataille, elles semblent prêtes à repousser un hypothétique ennemi.

Enfin, pour compléter son œuvre, elle créa une immense mer minérale, un océan gris, mauve, ocre, où les vagues se sont immobilisées pour toujours. Seuls leur donnent vie les ombres et les feux du Soleil.

Alors, satisfaite d’avoir créé un univers de couleurs, de formes et de paix, Dame Érosion, tout en continuant lentement l’œuvre entreprise, laissa la place d’un nouveau venu : l’Homme.

L’Homme, qui est intelligent par définition, s’aperçut très vite que le tuf (une fois entamée la couche supérieure durcie au soleil) était très friable et qu’il suffisait d’un simple outil de fer ou de bronze pour le creuser. Alors, il se mit à creuser, à évider, à fаҫonner.

Cônes, aiguilles, pitons et falaises, percés d’innombrables ouvertures, se mirent à ressembler à d’énormes tranches d’Emmental et, comme le rat de la fable, l’homme s’établit dans ces nouvelles demeures dont il apprécia bien vite le calme et la fraîcheur.

Terre de refuge, la Cappadoce le fut en particulier pour les chrétiens.

Les Cappadociens avaient été parmi les premiers à accueillir la  » Bonne Nouvelle ».

Plus tard, la présence d’évêques remarquables, qui ont pour nom Basile, Grégoire de Nysse et Grégoire de Naziance, donnera un essor considérable au christianisme.

Mais, pour échapper à la persécution des Arabes et des iconoclastes et aussi pour fuir les vices et les turpitudes des grandes cités byzantines, à partir du 7è siècle, des communautés religieuses, des familles chrétiennes et des moines se retirèrent dans des vallées isolées, à Göreme, à Zelve, à Soganli ou à Ihlara, et là, en plus des habitations domestiques, ils aménagèrent dans le tuf des centaines de petites églises. La légende prétend même qu’il en existe 365 afin que chaque jour de l’année voie la messe célébrée sur un autel nouveau !

Taillant, évidant, ces nouveaux arrivés sculptèrent iconostases, autels, arcades, coupoles et piliers, recréant ainsi, sous terre, l’intérieur des églises byzantines ou arméniennes qu’ils venaient de quitter. Puis, ils se mirent à peindre des fresques relatant l’histoire de Jésus depuis son incarnation jusqu’à son ascension,  » afin que les analphabètes qui ne pouvaient lire les Saintes Ecritures voyant les peintures apprennent la vaillance des véritables serviteurs de Dieu ». Un texte du 9è siècle décrit « les maris et les femmes portant dans leurs bras leurs bambins, tenant à main leurs enfants plus grands et leur expliquant les histoires peintes sur les murs des églises pour édifier leur esprit et leur cœur et les conduire à Dieu ».

 

Extrait du guide Bipel  « Sur les pas des Apotres Paul et Jean en Turquie » écrit par le Père Froc